Confrontation des méthodes de l'analyse limite aux voûtes gothiques en Brabant | [English translation] |
Pierre Smars, avril 2000
Thèse présentée en vue de l'obtention du titre de "docteur en sciences appliquées" à l'Université Catholique de Louvain (K.U.Leuven)
Les structures historiques sont complexes. Leur géométrie est connue imparfaitement; les relevés, souvent imprécis, montrent rarement les déformations et parfois n'existent même pas. Les matériaux employés jadis ne le sont souvent plus depuis longtemps ou le sont suivant d'autres modalités. Ils sont bien moins connus que l'acier, le béton et les autres matériaux qui accompagnent l'architecture contemporaine. Les structures sont aussi moins connues et plus variables, elles présentent fréquemment des particularités cachées. L'histoire du bâtiment -la succession des agrandissements, adaptations et restaurations- influence son comportement.
Comme n'importe quel objet d'étude, les structures historiques sont analysées par l'intermédiaire de reconstructions maniables, les modèles, fondements de notre connaissance. Pour permettre aux responsables de la conservation des monuments de prendre des décisions sur une base aussi objective et légitime que possible, la compréhension des implications des nombreuses hypothèses qui leurs sont associées est fondamentale.
Les modèles permettant l'étude de la stabilité relèvent de deux grandes familles.
La première regroupe ceux qui utilisent les caractéristiques de déformabilité des matériaux . Théoriquement plus fidèles, ils présupposent cependant la connaissance précise de données en pratique mal connues. Les conséquences des hypothèses simplificatrices, nécessairement introduites, sont nombreuses, difficiles à prévoir et peu étudiées.
La seconde famille regroupe les modèles qui n'utilisent que les équations d'équilibre et les caractéristiques de résistance des matériaux, mais ne recherchent que des situations limites. Leur emploi pour l'analyse d'édifices historiques présuppose généralement l'absence de glissements et une résistance nulle à la traction, permettant l'application des théorèmes extrémaux de la plasticité "standard". Or, dans certaines circonstances, des glissements affectent les structures et les voûtes en particulier. Les théorèmes extrémaux, dès lors inapplicables, peuvent conduire à surestimer la stabilité. En effet, les glissements constituent de nouveaux mécanismes de rupture possibles mais ont surtout deux séquelles : (i) une structure localement plus résistante peut être globalement plus faible et (ii) des phénomènes répétitifs peuvent conduire progressivement à la ruine par accumulation d'effets minimes.
Ce travail a pour objectifs d'éclaircir le processus menant à la prise d'une décision concernant la stabilité des voûtes existantes, de présenter des arguments en faveur des méthodes de l'analyse limite et d'y intégrer la possibilité de glissements, d'une résistance à la traction non nulle et de déplacements finis.
Premio Edoardo Benvenuto 2002 decerné par l'«Associazione Edoardo Benvenuto per la ricerca sulla Scienza e l'Arte del Costruire nel loro sviluppo storico»